TOURNER -petit précis de rotation-

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Tourner le dos. Le faux pas de la mer. A un jet de pierre. Sans surprise ni hasard. Le niveau se dégage. L’eau serait-elle immortelle. L’eau de ma vie allée avec. Ce souffle de cheveux. Laine et moutons sous les doigts. On dit des notes et ça musique des paroles. A la frontière des saisons. Sur l’horizon de toutes les mémoires. Teintes vives et demi-tons tracent l’axe vers l’île. Douceur de l’air. L’espace ouvre à la terre un envers possible. Ta voix pose des questions sur les ondes qui m’enveloppent. « yes by yes » et lame après lame comme un amour entre les mains. La part lunaire du jour sur une crête. Des noms funambulent. Instantané arraché au vif du temps qui encercle. Quand un courant libère un retrait en forme d’avancée. Comme un jamais avoue toujours. De biais sans vous quitter des yeux. Dans son recul l’œil englobe un face à face. Un cœur à cœur. Une mise à la taille du poing. Au fur et à mesure de son long monologue le ciel s’éclaircit. Lente patience. C’est ici que fraîcheur rattrape. 

On tourne le dos. Au faux pas de la mer. 

On tourne. Le dos comme un grand calme. Celui qui contient la tempête. Quelque humeur attachée au chagrin. Je l’ai arrachée car ce n’est pas trop loin qu’aller de fureur et d’élan. On dit mordre. On dit mordue. Ce sont les mains jusqu’au sang. On dit tendues. Ce sont lèvres de promesses. Le souffle court du verbe courir. Le souffle sourd du verbe sourire. Les yeux attendris qui n’attendent rien. Du verbe voir. Ce qui laisse sans voix. 

On tourne sa langue. La mer dans l’oreille. 

Pas question de hausser. Ni voile ni ton. Le vent se lève puisque soleil se couche. On dit le temps passe. Sans destination. Le lieu reste ne s’en trouve pas plus ému. Sans un geste. On tourne parce que pas de perte dans le cercle même si raison ici pas bien gardée. Pas d’enquête. La connaissance avec le corps. Cou nuque un tout nu sans chute ni tranché. Juste le roulé rien que pouls et pas à pas il nous faut. Comme venus on s’en retourne.

Parce qu’on tourne le monde. Adossés à la mer.

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Circum. Autour des pôles. De la main et du pied tourner. Naviguer sur les sept mers. Le dos au vent. N’est pas Magellan qui veut et pourtant on tourne. Le regard balaye concentriquement. Prudence est de mise. La circonstance de tourner ne doit pas faire perdre la tête. Ne pas enfler bien que tourner pour dilater les idiomes sous le crâne dans cet espace disponible afin de décoller à l’aune circulaire de notre rapport aux mots.

Sans surprise ni hasard.

        On tourne et ça sinue des chemins étrangers.

Tourner. Esthétique de. Avec support idéologique. Avec intention. Rythmique et cadence pour que l’œil y trouve une épaisseur. Circonvolution de conscience une bulle qui augmente son volume apparent. Tout en creusant toujours plus un vide qui mime le trop plein. Plein le dos. Dos à la mer…               Les entrailles au bord des lèvres.

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Tourner. Semblant coagulé. Comme un œuf au sortir des veines. Globule tirant sa couleur du renvoi de tout sens. Mais il tourne aussi        tourne parce qu’irréversibilité …

Pas de replay dans la vraie vie jamais la même eau dans le torrent. On voltige en boucle en passant de l’eau à l’air comme pour s’affirmer un corps dans le décor dissout

            puis évaporé.

                                     On tourne        du verbe routiner.

Alors tremble et trouble. L’eau frappée par les rames. Quelque chose de versatile dans les poignets. L’intention de passer un cap. Roulements de tambour sous le crâne. Un suspens voltige comme feuille morte. L’automne bat contre la berge ses rumeurs de cascade. Comme si le sol s’absentait. Sable boue vase. La fermeté s’est perdue dans le détournement d’un regard. Du verbe dévier. Du verbe ressurgir et ça tourne comme on psalmodie. Récurrence écœurée.