La chouette (The Owl)
La Chouette , c’était le nom qu’ils m’avaient donné
alors que nuits après nuits je souffrais d’insomnie
cet automne de mon vingtième anniversaire
et que j’arpentais les couloirs
d’un collège de la fraternité .
Ko-ko-has Ko-ko-has Ko-ko-has
Profond le nom ancré dans le sang aux odeurs d’épicéa,
ferme le contact de la balsamine sous les pieds,
douce l’envergure tandis que le vent empenné
ramenait avec lui, rapportait l’ancien chant
qui est le nom de mon frère.
Ko-ko-has Ko-ko-has Ko-ko-has Ko-ko-has
Tu attendais dans les arbres en dehors du village tu alertais
et nous réveillais quand les Blancs, les « longs couteaux » arrivaient.
La lumière des étoiles reflétait leur tonnerre métallisé
déjà nous avions bu leur breuvage amer
et nous tombions, notre sang capturé dans leurs rêves.
Le loup Malsum , et Nolka , le cerf,
marchent derrière nos eaux, le battement de mon cœur s’arrête là
au mur de peau, il souffre les poings cramponnés
essayant de maintenir tendue cette corde d’arc,
il entend un nom requis par des nuits sans sommeil
mes pas en écho dans les allées de chênes
parmi de jeunes hommes qui ne parlaient pas
qui ne pouvaient chanter le langage des oiseaux.
Ko-ko-has Ko-ko-has Ko-ko-has
mes propres pas s’engloutissaient, s’avançaient
dans la mémoire du passé révolu.
Je nouais un cheveu aux racines d’un frêne.
Elles sauraient garder mon âme à cet endroit
aussi sûrement qu’elle ne pouvaient entendre
ce qui appelait du monde des esprits, ce dont d’autres s ‘effrayaient :
Ko-ko-has, le protecteur de nos rêves.
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A BEAR SONG – CHANT DE L’OURS
POUR N.Scott Momaday *
J’ai appris qu’il a des choses
que savent nos Anciens,
ceux qui n’oublient pas de garder
les yeux ouverts sur une ancienne lumière,
ils l’ont vue dans l’obscurité du sommeil hivernal. .
Parmi elles une histoire entendue
dire d’une voix sonore,
pleine de grondements
comme la gorge d’une chute d’eau
quand elle commence à conduire
le souffle d’un nouveau printemps.
Cela parle d’un homme qui dansait.
Quelques-uns remarquèrent d’abord ses pas.
Ils semblaient insolites, différents,
pas en rythme avec celui
qui faisait évoluer à travers la place
des rangs colorés d’hommes et de femmes.
Mais quand le tambour cessa de battre,
cet homme n’était déjà plus là.
Là où ses pieds avaient rencontré le sol
on pouvait encore voir
les profondes empreintes d’un ours.
*Norman Scott Momaday , poète et romancier Kiowa , a obtenu le prix Pulitzer en 1969 pour son roman HOUSEMADE OF DAWN, « la maison de l’aube , paru aux éditions du Rocher .
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AT TEECHEELAY CORRECTIONNAL CENTER FOR WOMEN
AU CENTRE DE DÉTENTION POUR FEMMES DE TEEHEELAY
Elle dit
ici
on m’appelle Lauren.
Mais mon vrai nom, mon nom Winebago,
est Hos-kas-kah,
“entre dans l’obscurité”.
Ses paroles furent les premières
provenant d’un cercle de femmes
qu’un après-midi
transportait loin des vieux noms
symboles du jugement et de la méchanceté
loin de tous les noms
sans merci, sans grâce.
Les vrais seuls noms prononcés
furent soufflés par les grands-mères
dans le but de les bénir.
Je marchais
comme j’avais marché
un millier de fois
passant les portes de prisons
je ressentais le battement
de ces noms réclamant
leurs cœurs
à la façon des ailes palpitantes
d’un millier d’oies
qui prendraient leur envol
alors que le jour déclinant devenait
obscurité apaisante.
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OLIGAWI – DORS BIEN
Il a été dit
dans le monde de l’ouest
que le sommeil était le petit frère de la mort.
Mais nos anciens
savaient qu’il n’en était rien.
Le sommeil est plus vieux que la mort
et mourir est seulement une sorte de sieste, un passage
entre les rêves.
Parce qu’ils savaient cela
ils ont signifié la voie
en façonnant des reliefs sur le sol
comme le vieux Tumulus du Serpent*
qui nous rappelle que
le voyage de notre souffle
décrit toujours des cercles pour revenir sur terre .
Quand chaque nouvel enfant s’éveille
il se souvient un temps
de la voie venteuse
qu’il a emprunté jusqu’à ce que
la crainte et l’épaisseur du discours
revienne se placer entre lui
et la vérité de sa vision.
Nous ne devrions jamais oublier
que ce n’est pas la mort
qui berce nos nuits
et dont le souffle dit
oligawi*, va dormir tranquille.
Ferme tes yeux et vire
retourne à l’étreinte de la terre.
Ce que tu vois les yeux fermés
est plus réel que sur le mode éveillé
et bien que cela puisse te tuer
jamais la mort
n’a tué le sommeil,
il n’y a pas d’obscurité
plus forte
que les rêves,
oligwasi*
* allusion à l’ancienne civilisation Amérindiennes des « mound-builders »
* dors bien ( langage Abenaki )
* litteralement rêve bien : fais de beaux rêves